Scénettes de vie des vieux

Posted on Juil 12, 2008 in Bucarest, Expédition 2008, Roumanie

Dans une ruelle de Bucarest, un couple de vieux clopine devant moi. Chapeau de paille et canne pour monsieur, foulard sur la tête et robe à fleurs pour madame, les images d’Epinal de Roumanie ressurgissent dans ma tête. Sur les photos de voyage ou sur les cartes postales du pays, les vieux symbolisent cette Roumanie ancienne et traditionnelle. Les visages ridées, les corps frêles et usés, témoignent d’un douloureux passé, rappellent les périodes de pénuries vécues durant le communisme.

Dans un parc de la capitale, assis sur un banc, quelques vieux s’accordent un peu de repos, bien mérité. Ils observent inlassablement la nouvelle génération s’émanciper. A la ville comme à la campagne, l’écart et les différences de mode de vie entre les vieux et les jeunes sont bien plus flagrants que dans l’Europe de l’Ouest. Si en France, les retraités n’ont rien à envier aux jeunes salariés, d’un point de vue pécunier, ici les grands parents font quasiment l’aumône à leurs petits enfants. Alexandru est ingénieur en bâtiment, il travaille à Bucarest depuis un an et demi et gagne 900 euros par mois. Dans son village natal, en montagne près de Sibiu, sa grand-mère tente de survivre chaque mois avec seulement 150 euros.

Au marché des produits traditionnels de la ville, un vieil homme tente de gagner ses « mici » (petites saucisses de viande hachée) en vendant aux passants quelques brins de lavande à 1 lei – soit l’équivalent de 28 centimes d’euros. A quelques pas de là, un autre vieillard propose quelques gouses d’ail. Après une vie laborieuse, les vieux, ici, se voient contraints de travailler pour subsister à leurs besoins. Parmi les petits boulots des anciens, citons celui plutôt original de « mamie ascenceur ». Assise sur un tabouret, à côté des boutons de l’ascenceur, une femme de plus d’une soixantaine d’années conduit à longueur de journée les jeunes fêtards, en haut de l’immeuble où se trouve le fameux bar « La Motoare ». Pour se divertir ou pour arrondir ses fins de mois, la vieille femme ne quitte pas une seconde sa broderie.

Sur un trottoir de la ville, à la nuit tombée, un couple de personnes agées s’installe sur un matelas de fortune le long d’un mur. Ils s’apprêtent à passer leur énième nuit dehors. Tous les vieux n’ont pas la chance ou la malchance d’avoir un petit boulot, alors certains n’ont plus comme unique recours que la mendicité. A Bucarest, il n’est pas rare de voir deux vieux se croiser et échanger, sans un mot, quelques leis, sorte de geste de solidarité évident pour combler les dettes du passé.

Anna

One Comment

  1. Je retourne quelques années en arrière et je revoie cette vieillie femme, assise sur les marches qui descendent à la station de métro, tout près de l’université. elle porte des gants sur ses doigts qui pourissent, faute d’un traitement contre le diabète. Elle a une pancarte autour du coup qui dit qu’elle est diabétique, d’ailleurs. Comme si on avait besoin de connaître cette précision. De l’autre côté de la station, c’est un vieillard, « assis » sur sa planche à roulette, deux moignons de jambes bien en évidence. Et à la porte de l’université, où je passe presque tous les matin, un enième vieux tend la main, et pour la enième fois je lui tend un billet 10 000 lei (c’était avant la conversion…). Sauf qu’un matin, il n’est plus là. Et le lendemain non plus. Je ne sais pas s’il est mort pendant l’hiver, alors que moi j’avais mon gros manteau, mon bonnet et mes grosses chaussures dans la neige, mais je me souviens encore de son sourire quand je lui tendait mon bien futil billet. Un sourire de résignation, triste à en mourir.
    C’est ce qui m’avait marqué dans cette ville. La pauvreté des vieux, comme tu le décris… Je vois que malheureusement, il y a des choses qui ne changent pas!
    Grosses bises à toi ma grande!!
    marianne